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Соразвитие в Москве


moscou1Une interview de Anne HOFFNER, dirigeante du CECODEV


Quel est le point de départ ?
Nous formons des animateurs internes de Codéveloppement dans cette grande entreprise, en France. Une personne de la filiale russe est venue en France et a testé la démarche. Son enthousiasme a fait le reste. Très vite ensuite un groupe de RH de Russie a voulu se former à l’animation au service des managers.

Pour rayonner sur Moscou ?
Non, sur tout le territoire. La filiale russe, c’est environ 20 000 personnes. Chaque Drh gère 2 à 4000 personnes.
Il y a un effet de surprise, ce n’est pas habituel qu’une participante se présente en disant « Je suis en charge de la région Sibérie »...

Donc une entreprise française ?
Oui, avec une culture marquée par la volonté de participatif, de coopératif
Sur place, ce sont cependant des Drh russes. Certains parlent un peu de français. Mais nous avons eu une interprète en continu

Un séminaire de 5 jours donc, de formation à l’animation Codev ?
Oui, avec 2 jours d’immersion dans 4 séances, une par demi-journée, puis 2 jours de méthodologie, et enfin un jour de pratique et d’entraînements avec quelques collègues.
J’ai eu du mal à me faire une idée à l’avance de leur réceptivité. En fait, démarrage comme en France, avec des personnes ouvertes et intéressées.
Simplement, tout est bien organisé, trajet direct matin et soir, je suis conduite par un chauffeur de l’entreprise entre l’hôtel et la salle de formation.

Des questions au démarrage ?
Très peu. Ils sont très respectueux, veulent très bien faire. Règles du jeu acceptées de suite. Non, ma grande surprise c’est de rassembler tout de suite beaucoup de sujets, de vrais sujets, de grande qualité, au point que les choix ont été difficiles.

Un début porteur ..
Tout à fait. Ils sont tous dans le mouvement. Et la traductrice est excellente. Avec un étonnement : chaque phrase en français devient 4 fois plus longue en russe ! (« Il nous faut plus de mots », disent-ils)
Et des traductions amusantes. Un manager en avait assez du travail émietté (« mille feuilles ») et voulait des activités unifiées (« éclair au chocolat »). Je découvre que « mille feuilles » se dit « napoleone ». Et en Russie, pour dire qu’on fait « d’une pierre deux coups », on dit « qu’on tue deux lapins d’un coup » ...
Cela dit, ils sont tous candidats pour être clients.

Une première séance commence...
Voilà, on commence par pratiquer tout de suite, et je suis particulièrement attentive : voir comment ils fonctionnent ensemble et voir comment ils raisonnent.
Je remarque un aspect culturel : le souci de bien faire, de bien manager et qui peut aboutir justement à la difficulté de prendre des décisions. Car si un hiérarchique prend une décision en faisant une erreur, on la respecte. On n’intervient pas, on ne contredit pas une décision. Et si elle préoccupante, cela peut être ennuyeux
Dans l’un des sujets retenus, le managers est bien préoccupé par une décision de son N+1 qui affecte son équipe et qui empêche l’efficacité. Que faire ??

Un déroulement particulier ?
Comme en France. Des questions avec des solutions ou des suggestions. Les poser sans solutions n’est pas naturel, ce sera une découverte. Découverte aussi de l’importance de bien discuter le contrat.
Et tout le monde joue le jeu.
Je suis attentive à tout et à tous, pour ne pas heurter par ignorance culturelle et en même temps, dire les choses. Mais eux insistent : « On veut du vrai Codev ! Dites-nous bien tout »

Des arrêts sur images ?
Pas pour des régulations, juste pour faire comprendre ce qu’on est en train de faire.
Je commente et j’éclaire pendant que j’anime. Nous appelons cela l’animation à valeur ajoutée. C’est très parlant pour de futurs animateurs.
J’insiste sur l’importance du temps pour bien comprendre le raisonnement de notre client. Et en même temps il a droit au joker si les questions le dérangeaient.
Une séance plutôt confortable, avec une liberté de ton qui m’étonne.
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Le client a avancé ?

Oui. Il découvre comment un trop grand respect peut tout bloquer, comment on ne voit plus d’issue quand on se met contraintes sur contraintes. Et justement le contrat permettait de rouvrir des marges de manœuvre.
D’autres découvrent l’importance de ne pas monopoliser, de laisser de la place à tous, de ne pas tout déverser d’un coup. (chose que l’on trouve aussi en France)
La cliente a pu clarifier son raisonnement, examiner les risques, voir les aspects plus stratégiques, et le grand risque de ne pas prendre de risque ...

Et l’étape 6 ?
Elle fut très intéressante car on a vraiment pris le temps ! Il y ont d’abord réfléchi pendant que le client prenait 5 mn pour faire sa synthèse en étape 5.
Ils ont pointé des surprises, des découvertes, des apprentissages au cours de la séance.
On voit qu’ils avaient déjà une habitude de réfléchir en collectif.
Je suis étonnée et très contente car ils sont entrés facilement dans la démarche et avec simplicité. Nous avons donc fait 4 séances, chacune de 3h/3h30, traduction oblige.
Cela fait de longues journées jusque 18h30. Ils sont tous très fatigués. Mais contents.
Ils entrevoient que c’est bien plus qu’un outil dans leur panoplie. Ils sentent que l’approche va leur permettre d’aborder des choses qui se disent difficilement, et que les règles du jeu bien respectées permettent aussi d’aller plus loin.
On voit là que les aspects collaboratifs, annoncés par nombre d’entreprises aujourd’hui, peuvent être quelque peu illusoires car des choses importantes ne se disent pas. Et là, on a pu creuser.

Puis deux jours de méthodologie ?
Oui, et ils découvrent les notions de posture haute et basse (tellement plus importantes que la procédure 1 à 6). Et la qualification des interactions. Et le regard systémique ...
Si la posture n’est pas juste, le travail de codéveloppement se fait tellement moins bien.
Cette question de posture leur parle car ils se demandent comment leur offre va être acceptée par les managers, les chefs de secteurs, les responsables de vente, les directeurs logistique... dans une période de développement intense de l’entreprise, avec beaucoup de réorganisaitons et des centaines de personnes à recruter.
Comment ils vont composer les groupes, si question délicate.
Nous parlerons également de l’option « Coup de pouce », avec des séances plus courtes de 1h30, donc plus centrées sur la résolution de problème, avec des sujets moins impliquants, plus opérationnels. On va expérimenter une séance « Coup de Pouce », qu’ils vont trouvé intéressante, mais frustrante bien sûr, car moins approfondie.

Et en fin la dernière journée, la journée des entraînements ?
Ah, passionnant. Je leur demande d’inviter des collègues managers pour en faire des participants dans leurs séances d’entraînement. Ils en trouvent très vite. On peut constituer deux groupes. Ainsi tous les 7 participants du stage peuvent animer. Les collègues managers sont volontiers clients ! Avec des situations bien réelles. Et ils sont enchantés de la découverte. Ils disent « Faites appel à moi dans vos prochains groupes, venez dans mon équipe, etc... »
Les 7 participants se sentent particulièrement ravis et conforté pour l’avenir. Ils voient que ça fonctionne. Ils disent « On n’avait rien d’équivalent. On a beaucoup de méthodes et de groupes de travail, mais on ne réfléchit pas comme ça ensemble ».

Alors mission remplie ?
Oui, tous fatigués et enthousiastes. La responsable dira « ça nous a emmené beaucoup plus loin que je ne pensais, ça fait réfléchir ET c’est pragmatique ».
Ils se sentent pionniers, et ça leur plait.

Donc une belle page de Codéveloppement ...
En fait ils demandent maintenant à former un nouveau groupe... Je repars à Moscou ce printemps 2016.

02/03/2016